Proclamation du 19 avril 1871. (Extrait)
Dans le conflit douloureux et terrible qui impose encore une fois à Paris les horreurs du siège et du bombardement, qui fait couler le sang français, qui fait périr nos frères, nos femmes, nos enfants, écrasés sous les obus et la mitraille, il est nécessaire que l’opinion publique ne soit pas divisée, que la conscience nationale ne soit pas troublée.
Il faut que Paris et le pays tout entier sachent quelle est la nature, la raison, le but de la révolution qui s’accomplit. Il faut que la responsabilité des deuils, des souffrances et des malheurs dont nous sommes les victimes retombent sur ceux qui, après avoir trahi la France et livré Paris à l’étranger, poursuivent avec une aveugle et cruelle obstination la ruine de la capitale, afin d’enterrer, dans le désastre de la République et de la Liberté, le double témoignage de leur trahison et de leur crime.
La Commune a le devoir d’affirmer et de déterminer les aspirations et les voeux de la population de Paris ; de préciser le caractère du mouvement du 18 mars, incompris, inconnu et calomnié par les hommes politiques qui siègent à Versailles.
Cette fois encore, Paris travaille et souffre pour la France entière, dont il prépare, par ses combats et ses sacrifices, la régénération intellectuelle, morale, administrative et économique, la gloire et la prospérité.
Que demande-t-il ? La reconnaissance et la consolidation de la République, seule forme de gouvernement compatible avec les droits du peuple et le développement régulier et libre de la société ; L’autonomie absolue de la Commune étendue à toutes les localités de France, et assurant à chacune l’intégrité de ses droits, et à tout Français le plein exercice de ses facultés et de ses aptitudes, comme homme, citoyen et travailleur ; L’autonomie de la Commune n’aura pour limite que le droit d’autonomie égal pour toutes les autres communes adhérentes au contrat, dont l’association doit assurer l’unité française.
Les droits inhérents à la Commune sont : Le vote du budget communal, recettes et dépenses ; la fixation et la répartition de l’impôt ; la direction des services locaux ; l’organisation de sa magistrature, de la police intérieure et de l’enseignement ; l’administration des biens appartenant à la Commune ; Le choix, par l’élection et le concours, avec la responsabilité, et le droit permanent de contrôle et de révocation des magistrats ou fonctionnaires communaux de tous ordres ; La garantie absolue de la liberté individuelle, de la liberté de conscience et la liberté du travail ; L’intervention permanente des citoyens dans les affaires communales par la libre manifestation de leurs idées, la libre défense de leurs intérêts : garantie donnée à ces manifestations par la Commune, seule chargée de surveiller et d’assurer le libre et juste exercice du droit de réunion et de publicité ; L’organisation de la défense urbaine et de la garde nationale, qui élit ses chefs et veille seule au maintien de l’ordre dans la cité.
Paris ne veut rien de plus à titre de garanties locales, à condition, bien entendu, de retrouver, dans la grande administration centrale, délégation des communes fédérées, la réalisation et la pratique des mêmes principes.
Mais, à la faveur de son autonomie et profitant de sa liberté d’action, Paris se réserve d’opérer comme il l’entendra, chez lui, les réformes administratives et économiques que réclame sa population ; de créer des institutions propres à développer et propager l’instruction, la production, l’échange et le crédit ; à universaliser le pouvoir et la propriété, suivant les nécessité du moment, le voeu des intéressés et les données fournies par l’expérience.
Nos ennemis se trompent et trompent le pays quand ils accusent Paris de vouloir imposer sa volonté ou sa suprématie au reste de la nation, et de prétendre à une dictature, qui serait un véritable attentat contre l’indépendance et la souveraineté des autres communes. Ils se trompent ou trompent le pays quand ils accusent Paris de poursuivre la destruction de l’unité française, constituée par la révolution, aux acclamations de nos pères, accourus à la fête de la fédération de tous les points de la vieille France.
L’unité, telle qu’elle nous a été imposée jusqu’à ce jour, par l’empire, la monarchie et le parlementarisme, n’est que la centralisation despotique, inintelligente, arbitraire ou onéreuse. L’unité politique, telle que la veut Paris, c’est l’association volontaire de toutes les initiatives locales, le concours spontané et libre de toutes les énergies individuelles en vue d’un but commun : le bien-être, la liberté et la sécurité de tous. La Révolution communale, commencée par l’initiative populaire du 18 mars, inaugure une ère nouvelle de politique expérimentale, positive, scientifique.
C’est la fin du vieux monde gouvernemental et clérical, du militarisme, du fonctionnarisme, de l’exploitation, de l’agiotage, des monopoles, des privilèges, auxquels le prolétariat doit son servage, la patrie ses malheurs et ses désastres. […]
Nous en appelons à la France ! […]